CEGETEL
Comment atteindre le  plus haut des débits

L’opérateur de téléphonie fixe s’est lancé dans la fourniture d’Internet haut débit en 2004, alors que le marché est déjà aux mains de cinq acteurs majeurs. Pour émerger, il fait la promesse de la vitesse, jouant sur la frustation des internautes en bas débit. Et ça marche !

Objectif
Exister comme fournisseur d’accès

Que faire quand on est un opérateur de téléphonie fixe et qu’on décide après tout le monde de se lancer sur le marché de la fourniture d’accès à l’Internet haut débit ? C’est la question à laquelle Cegetel a été confronté en janvier 2004. L’opérateur, qui évolue depuis 1997 sur le marché de la voix grand public, compte alors 3 millions de clients mais n’a pas constitué d’offre d’accès à l’Internet bas débit. Cegetel n’a donc aucune notoriété sur le marché de la fourniture d’accès, marché dominé par cinq acteurs majeurs : Wanadoo, AOL, Club-Internet, Free et Tiscali. Tous ont développé des investissements massifs en communication pour conquérir des abonnés, d’autant que de nouveaux intervenants apparaissent sur ce marché déjà très disputé. Aux côtés de Cegetel, Télé 2, Alice et 9 Telecom se lancent dans la bataille autour de l’argument prix.

Cegetel choisit de cibler prioritairement les 7,2 millions d’internautes bas débit recensés au troisième trimestre 2003, dont le potentiel est supérieur aux primo-accédants. L’opérateur souhaite alors atteindre 10 % de part de marché dès la phase de lancement. Cet objectif suppose de développer la notoriété de la marque en tant que fournisseur d’accès à Internet, alors qu’elle est identifiée comme opérateur de téléphonie fixe. Les autres ont fait un vrai boulot d’agressivité commerciale, rappelle Isabelle Patard, directrice de la publicité commerciale de Cegetel. Nous, nous devions faire un travail d’image et de conquête. Le tout en s’efforçant de palier une faiblesse face à l’opérateur historique France Télécom, qui dispose d’un réseau de distribution de 663 agences. Cegetel crée donc une plate-forme téléphonique (le 10 00), et la campagne développée par l’agence Scher Lafarge invite concrètement à s’y connecter.

Moyens
66,5 M€ pour s’imposer en accéléré

Pour émerger dans le brouhaha formé par la guerre des prix en vigueur sur ce secteur, Cegetel choisit de se positionner sur une autre promesse : celle de la vitesse. Cet item arrive au premier rang des motivations de passage au haut débit avancé par les internautes, devant la connexion permanente, le budget fixe et les services (1). Mais sa traduction créative ne se fera pas à la manière d’autres annonceurs de l’univers des nouvelles technologies comme Club Internet ou Microsoft, dont les séquences en accéléré démontrent le potentiel de leur offre. Cegetel prendra pour sa part le problème à rebours, en partant de la frustration ressentie par les internautes équipés en bas débit. Le vrai “main stream”, c’est le grand public qui a commencé par le bas débit et est déçu d’Internet, décrit Christophe Lafarge. Nous ne devions pas développer une communication sur l’offre mais sur les bénéfices. Plutôt que de décrire les avantages de la vitesse, la campagne déployée en 2004 préfère donc mettre la lenteur en perspective. Quatre films seront développés autour de ce levier créatif inspiré, qui interpelle le public avec une accroche («  La vitesse vous manque ? ») bientôt reprise dans les cours de récré. Un vrai rêve de publicitaire...

La campagne, qui démarre le 14 mars, sera déployée jusqu’au 31 décembre avec quatre films TV (investissements : 28,5 Ma bruts) et cinéma (1,8 M€), diffusés successivement, des spots radio (20,8 M€), des annonces presse (8,3 M€) et affichage (7,1 M€). En tout, ce sont 66,5 M€ bruts qui ont été investis pour lancer l’offre ADSL de Cegetel.

Si, le 14 mars, c’est le film «  Le Grand Huit » qui installe le concept, la campagne décolle réellement avec la diffusion du «  Foot ». Comme les investissements sont importants, l’usure arrive vite, commente Christophe Lafarge. Lequel des films devions-nous diffuser en second ? L’Euro commençait, tout allait être à la gloire du foot pendant un mois et demi. Logiquement, «  le Foot » s’impose donc comme suite de la saga naissante, mais problème : le film est recalé aux prétests et la question de sa diffusion se pose de manière cruciale. Tester des films comme ceux-là sur des boards, c’est compliqué, indique Christophe Lafarge, et d’ailleurs, la magie n’est sur aucun board. Mais le concept avait été testé et fonctionnait.

En juin, le savoureux déroulement de ce match de foot au ralenti, commenté par Eugène Saccomano en personne, est finalement retenu par l’annonceur, d’accord pour prendre le risque de ne pas suivre les tests. Puis, en septembre, «  la Poursuite » s’inspire de l’univers du film de série B américain, tandis qu’en novembre, cow-boys et Indiens montés sur des poneys shetland composent un singulier «  Western ».

Dans le même temps, la cohérence de la campagne est assurée par des spots radio reprenant le concept de la lenteur. La télé permet de caler le positionnement et la radio se concentre sur l’offre , précise Isabelle Patard. Les annonces radio sont en cohérence avec les films : On a trouvé un territoire sonore qui reposait sur le même principe que la télé, observe Christophe Lafarge. La radio permet de toucher de faibles consommateurs TV et quelques cibles précises comme les jeunes.

Trois médias complémentaires sont également sollicités. La presse est exploitée comme levier de recrutement auprès du grand public ; le cinéma assure une visibilité auprès des prescripteurs jeunes et CSP+ (Cegetel est le seul fournisseur d’accès à intégrer le cinéma dans sa stratégie de communication) ; et l’affichage est utilisé lors du lancement de nouvelles offres.

Résultats
Parti dernier, arrivé troisième en terme de PDM conquête

Certes, Cegetel partait de très bas. Reste que la notoriété spontanée de l’annonceur est en augmentation de 228 % sur les internautes entre les mois de juin et décembre 2004, passant de 7 % à 23 %. Sur les «  intentionnistes », elle croît de 450 % entre juin et novembre, où elle se stabilise aux alentours de 15 % (2).

À l’issue de la diffusion du film «  la Poursuite », en octobre, Cegetel obtient le meilleur score (39 %) de souvenir assisté des fournisseurs d’accès à Internet auprès des intentionnistes. L’enseigne est talonnée par 9 Telecom (37 %), Télé 2 (32 %) et Wanadoo (31 %) (3). Les posttests opérés par TNS Sofres mettent en exergue la croissance du souvenir publicitaire à la suite de chacun des films. En outre, «  la Poursuite » obtient le meilleur taux de reconnaissance du marché (82 %) sur la cible prioritaire. Et le plan média a démontré sa validité : la notoriété assistée de la pub télé est supérieure de 126 % chez les exposés aux messages TV et radio par rapport aux seuls exposés aux messages TV.

La campagne, qui se devait de générer des appels auprès du centre de contacts, atteint également son objectif. Si 2 770 appels par semaine sont reçus en mars 2004, on en enregistre 15 197 par semaine en décembre, soit une augmentation de 448 % (source annonceur). Quant au nombre de contrats ADSL signés chaque semaine, il a progressé de 254 % sur la période de la campagne, avec 3 640 contrats par semaine en décembre 2004. Au final, Cegetel a gagné sept points de part de marché conquête sur les ventes nettes de lignes ADSL entre le 1er et le 4e trimestre 2004. Ses 12 % de part de marché conquête (pour un objectif de 10 %) le placent en troisième position des fournisseurs d’accès sur le marché de l’ADSL.

Ce succès est imputable au levier créatif développé comme fondement à la campagne mais aussi à son développement par épisodes, mieux à même d’installer et de nourrir un discours de marque en mesure de garantir notoriété et désirabilité. Ce marché va à cent à l’heure, indique Christophe Lafarge, tout est obsolète au bout de six mois, les technologies ont une durée de consommation très brève. On est partis les derniers, or, sur un marché de conquête, plus on part tôt, plus on est avantagé. Nous devions donc créer un repère fort. Cette campagne a été la seule à installer un territoire pérenne. Et, accessoirement, la première à installer le méga comme référence : L’un des succès de la campagne, c’est le mot méga auquel on a donné un vrai sens, souligne Gilbert Scher, tout comme en photographie, le pixel est devenu le mot magique. C’est la matérialisation de la performance. Cette campagne populaire, reprise même par les « Guignols », a aussi glané plusieurs récompenses dans divers concours créatifs.

 

Emmanuelle Grossir - CB News -

1 source Benchmark Group-Médiamétrie NetRatings <-
2 source TNS Sofres <-
3 source Tracking Notoriété FAI – TNS Sofres <-