Objectif
+ 2,5 points de pdm volume sur les jetables
Mine de
rien, la moindre innovation sur un petit rasoir de rien du tout –
serait-ce l’ajout apparemment banal d’une lame
supplémentaire – nécessite la réalisation de
prouesses technologiques. D’où des lancements environ tous
les sept ou huit ans seulement, sur un marché totalement
dominé par Gillette.
Autant dire que l’année 2007
s’annonçait cruciale pour le challenger, qui a
tranquillement compté les millions alignés en janvier par
son concurrent qui lançait le système Fusion. De son
côté, Wilkinson décide logiquement de mettre
plutôt l’accent sur le jetable, même si Gillette
propose de son côté des rasoirs jetables à la fois
performants et moins chers. Après avoir encaissé le
lancement du mastodonte auquel David Beckham prêta ses joues, le
Quattro Titanium Jetable, premier rasoir jetable à quatre lames
en France, faisait son apparition en septembre 2007.
Wilkinson, qui
avait connu un certain succès avec l’opération DARE
(association pour le Droit au rasage extravagant, 180 000 inscrits sur
le site et plus de 1 million de pages vues), se devait
d’être au moins aussi créatif, faute de disposer de
moyens du même ordre que ceux du leader du marché : ce
dernier aurait investi 17,6 M€ rien qu’en télé
sur sa période de lancement. Pour sa part, Wilkinson, dont le
budget média atteint 362 000 €, affiche toutefois un
objectif ambitieux consistant à gagner 2,5 points de part de
marché en volume sur le segment jetable, dans les trois mois
suivant le lancement.
L’agence JWT, détentrice du budget,
s’est tout d’abord lancée dans un travail
préliminaire sur le concept de la séduction. Il
s’agit alors de cerner les vecteurs possibles de
ré-implication sur le marché du rasage, d’autant
que socialement, le rasage n’apparaît plus pour les hommes
comme une absolue nécessité. Face à Gillette, dont
la communication s’établit sur la notion de perfection et
dans laquelle le rasoir détient le rôle très
technique d’exterminateur de poils, son concurrent choisit de
réinvestir le terrain émotionnel, en revenant sur la
signification de l’acte de rasage, que la marque envisage comme
l’expression de l’individualité de chaque homme.
Dans cette optique, il ne s’agit plus seulement d’obtenir
une peau douce, mais surtout de savoir pourquoi.
Tablant sur
l’expérience vécue avec l’opération
Dare, l’annonceur compte sur le développement d’une
action alternative susceptible de se répandre de façon
virale, jusqu’à provoquer l’adhésion de 500
000 internautes, dont le recrutement paraît envisageable
auprès de la cible composée d’hommes de 25-35 ans,
CSP+, technophiles, et consommateursde rasoirs jetables trois lames.
Moyen
62 000 € dans une communication alternative
Pour
construire la préférence émotionnelle sur laquelle
ne s’attarde pas le concurrent Gillette, Wilkinson choisit parmi
les moments de transitions identitaires celui qui servira le mieux sa
cause : l’arrivée du premier enfant s’impose comme
le contexte idéal pour présenter le rasage à la
manière d’une arme de reséduction de la mère
toute concentrée sur son bébé. Compte tenu du
budget disponible, ce n’est pourtant pas à travers un film
ou une annonce traditionnelle que l’annonceur va décrire
le bénéfice envisageable.
La cible étant
particulièrement composée de gamers, c’est de ce
côté que mûrit l’idée créative
proposée par l’agence. Même si l’option
retenue n’exclut pas certaines hésitations :
Fallait-il faire un jeu basique et ludique ou proposer une
expérience technologique en phase avec les valeurs de la marque
? s’interroge-telle alors. C’est finalement
vers la seconde option que se portera son choix, avec un jeu mis en
ligne le 10 septembre mais précédé d’une
bande-annonce traitée en 3D et exploitant les codes universels
du jeu vidéo.
Les deux étaient-ils indispensables ? Le trailer n’aurait pas pu exister sans le jeu ni l’inverse ,
affirme Catherine de Brandenberger, directrice marketing de Wilkinson.
C’est pourtant sur le trailer que se focalisera l’attention
du public, séduit par cette histoire humoristique de
rivalité père-fils dont la présentation exploite
tous les ressorts du genre hollywoodien, tragique voix off comprise. Le
plan média, concocté par Mediaedge:cia, prévoit la
diffusion du trailer sur YouTube et Dailymotion dès le 1er
septembre, tandis qu’une conférence réunit une
trentaine de blogueurs afin d’activer le buzz (RP
réglées par RPCA). Le 10 septembre, lorsque le jeu est
mis en ligne, une campagne de bannières est lancée,
tandis que des concours high score dotés de lots sont
organisés.
La campagne média ne sera mise en route que le 24 septembre, via
des opérations toujours un peu à côté de ce
qui se pratique classiquement : les annonces presse relèvent du
publi-reportage ; les animateurs radio sont impliqués dans la
campagne, activant auprès des auditeurs le goût du
challenge ; en TV, un format 45 s du trailer est diffusé, tandis
que dans des spots de 20 s, des animateurs défient le public ;
sur le Web, lequipe.fr est entièrement habillé par
l’opération le jour du match de rugby France/Irlande. Le
tout se déroule en partie dans le cadre d’un partenariat
avec Lagardère. Il fallait être pertinent, présent, mais non intrusif ,
résument l’agence et l’annonceur, qui ont
traité avec précaution la meilleure façon et le
meilleur moment d’intégrer le produit dans le buzz.
Résultat
11 millions de VU et + 5,3 points de pdm volume
Le
succès de l’opération a été
mesuré très vite, compte tenu du nombre de VU
enregistré par Google Analytics : 10,9 millions provenant de 220
pays, un score phénoménal compte tenu de l’objectif
de départ fixé à 500 000. Posté 46 fois sur
YouTube, et 87 fois sur Dailymotion, le trailer sera visionné 6
millions de fois, tandis que le téléchargement du jeu,
qui visait les 50 000, atteindra 340 000.
Ces retombées se
reportent logiquement sur les comportements en linéaires,
où le résultat dépasse tous les espoirs ! Certes,
Wilkinson affichait déjà une légère hausse
sur le segment des jetables, passant de 30,2 % de pdm volume en juillet
2006 à 31,3 % en août 2007. Cette fois, l’annonceur
prendra le leadership du segment pour la première fois de son
histoire, en faisant croître sa pdm volume de 5,3 points entre le
1er septembre et fin décembre 2007, où il atteint 36,6 %.
Dans
la même période, selon Nielsen, Gillette perd 4,4 points
de pdm . Grosse satisfaction pour Wilkinson, à l’origine
de ce projet franco-français qui aura trouvé une
résonance exceptionnelle à l’international,
cumulant même les prix créatifs et parvenant à
tisser sur le long terme un lien durable avec le public.
Emmanuelle Grossir - CB News - www.cbnews.fr |